L’image comme symbole

Dorothea Lange L'image comme symbole
Pour le compte de l’administration de Roosevelt alors au pouvoir au États Unis, la photographe Dorothea Lange fini en mars 1936 un reportage sur la misère des travailleurs des campagnes ruinés par la grande dépression des années trente.

Migrant Mother

Pour le compte de l’administration de Roosevelt alors au pouvoir au États Unis, la photographe Dorothea Lange fini en mars 1936 un reportage sur la misère des travailleurs des campagnes ruinés par la grande dépression des années trente. Au volant de sa voiture, elle rentre chez elle quand au bord de la route, elle aperçoit un campement d’ouvriers agricoles condamnés au chômage. Pénétrant sur le terrain, elle s’approche d’une tente abritant une jeune mère et ses quatre enfants. Elle prend cinq clichés. La dernière d’entre elle deviendra alors célèbre sous le nom de « Migrant Mother », l’une des photos les plus célèbres du monde, reproduite encore et encore dans les journaux et expositions.

Cette image d’une jeune femme de trente-deux ans qui a l’air d’en avoir deux fois plus, ses enfants cachant leur tête, la posture inerte du nourrisson, cet avant-bras et ce regard dont on ne sait pas s’ils évoquent la perplexité, la gêne ou l’inquiétude. Tout cela est immédiatement expressif. Devants un tel tableau, nous n’échappons pas à un mouvement de sympathie.

Alors, une image, une simple image peut devenir un moyen efficace pour montrer le monde. Souvent munie d’un titre générique, elle symbolise bien d’avantage que son propre objet.

Comprendre les symboles derrières les images

L’image a toujours été apte à s’associer à des symboles. Ce dernier est proche de la métaphore dans le sens où il associe un signifiant avec un signifié. Un élément à décrire et quelque chose pour le nommer. Ces deux éléments n’ont pas forcément besoin d’avoir un lien historique profond. Nous ne comptons plus les expressions qui n’ont que peu de liens communs avec les éléments auxquels elles font référence. A ceci près qu’une métaphore est une création individuelle vivante. Elle perd de sa substance quand elle se généralise à toute la communauté pour devenir un cliché. D’une génération à une autre, ces métaphores semblent dépérir toujours plus vite. En effet, leur superbe se trouve en partie dans le fait que nous ne l’attendions pas venir. Elles semblent éclatantes uniquement si une partie restreinte de la population les utilises. Telles des modes changeants perpétuellement, elles sont vouées à jouer une sorte d’équilibre entre leur proximité avec le langage utilisé couramment et une certaine distance avec ce dernier.

A l’inverse, le symbole tire sa pertinence du fait qu’il soit accepté par une grande part des individus. Même si un symbole devient l’archétype d’un groupe restreint d’individus, la pertinence de ce symbole et sa capacité à l’illustrer augmente avec sa popularité. Que ce soit une équipe, un parti politique ou une nation, plus le symbole est communément admis par ce groupe et ceux en dehors, plus sa force est grande. Même le temps semble les embellir car nous y associons tout nos fantasmes à propos du passé ainsi qu’une certaine idée de profondeur. Si le symbole est toujours là malgré les années, c’est qu’il doit y avoir quelque chose.

La lecture des symboles d’une image

Ce qui est intéressant est que la lecture de ce symbole se fait quasiment de manière immédiate. L’association nous parait relever de l’évidence comme celle que nous faisons inconsciemment entre une voiture qui vient vers nous et le bruit de moteur que nous entendons, dont l’intensité augmente progressivement. L’image peut faire référence à une scène ou un évènement historique sacralisé, illustrer un état d’esprit, un achèvement personnel par une posture ou une action. Mais contrairement au langage, les symboles dans l’image ne sont ni affirmés ni présentés. Ce n’est qu’une évocation qui n’a jamais la certitude du discours ou de la forme effective des éléments qu’elle représente. Le discours à également sa manière de faire appel au figuré à ceci près qu’il est possible avec ce dernier de décrire rationnellement le symbole que nous percevons par des mots ou des expressions courtes comme « tel lieu », « tel évènement », « telle expérience ». On peut toujours interpréter une image symbolique autrement que selon les intentions de l’auteur. Il n’y a jamais vraiment de point final à une image comme sur une phrase. On peut facilement trouver un nouvel élément à prendre en compte dans l’interprétation. Cette particularité pourrait être vu comme une incomplétude fondamentale de l’image mais en est-on si certain que cela ? N’apprécie-on pas ce véritable appel d’air pour l’esprit que représente ce caractère figuré inépuisable que représentent les images ? Certes, les querelles
sans fin à propos de la bonne interprétation à avoir d’une image d’actualité ou du dernier film à succès passionnent toujours autant les foules, mais pour autant, cette incomplétude est un terrain fertile pour l’imagination du spectateur. Nous associons nos propres sensibilités et valeurs à l’élément mis en scène. En d’autres termes, nous nous l’approprions.

Mais cette définition de l’image pourrait nous faire croire que cette dernière n’est capable que de véhiculer des symboles et en aucun cas d’en produire. Ce serait oublier sa capacité à véritablement les transformer pour en créer de nouveaux. Mais comment cette transformation s’opère ? Deux voies sont possibles.

L’effet de Genre

La première est l’effet de genre. Une image isolée peut s’amuser à créer une association métaphorique très originale :

  • Une couleur avec un état d’esprit.
  • Une posture a un personnage mythique.
  • Un objet a un lieu.

Mais pour autant, cette image ne deviendra symbole que si elle est socialement acceptée comme telle. Ainsi, une grande série d’image peut à la longue produire un nouveau symbole prégnant. Ainsi née la mode Instagram avec ses filtres et ses selfies. A une composition, une posture, s’associe un style de vie, une facette de notre personnalité, une appartenance. Qui aurait pensé voir une singularité significative dans une photo floue aux reflets brillants roses orangés il y a encore dix ans ? Le genre s’installe progressivement par la répétition et le temps. En autre exemple, un gros plan en face caméra d’une figure hyper virile mâchant un cigare sous son chapeau de cuir s’associe très naturellement à l’univers des westerns. Au-delà du rapport que nous pouvons avoir avec cet univers, nous ne pouvons qu’admettre qu’il possède ses propres symboles forts qui n’ont pas forcement grand-chose à voir avec la fonction historique des cowboys.

Une autre utilisation pour un autre rapport

Deuxièmement, même quand l’image ne fait que véhiculer un symbole communément admis, elle a la capacité d’y ajouter sa propre touche. Simplement en favorisant un élément par rapport à l’autre. Ainsi, les grandes personnalités politiques ne se sont pas privées d’un tel outil. Le simple fait de prendre un même portrait et de l’agrandir à outrance sur la façade d’un bâtiment officiel engendre un rapport différent à ce dernier. Cette variation peut s’avérer plus subtile. Quoi de plus caricaturale que de reprendre un trait de visage d’une personne et de l’exacerber par rapport au reste ? Un élément présent mais non significatif devient un objet de premier plan et change alors le rapport que nous avons avec le personnage représenté.

Ainsi, « the migrant mother » ne fait pas exception. Les deux procédés y sont utilisés. Tout d’abord, la posture de la femme résonne tout à fait avec la situation misérable dans laquelle elle se trouve. Personne ne prendrait une telle posture de corps et de visage ni n’aurai une telle tenue pour ses photos de mariage. Les nuances de noir et de blanc, couplés au fond sombre de fond de la tente en arrière-plan, assombrissent d’avantage l’ambiance. Autrement, si nous devinons tout à fait le quotidien difficile qu’engendre une telle vie quelle que soit la personne concernée, nous ne sommes pas moins sensibles à l’illustration de cette mère avec ses enfants alors même qu’elle se fait détriment de la représentation d’autres situations engendrées par la crise économique. La simple illustration de cette figure maternelle au lieu des autres exacerbe les sentiments que nous pouvons ressentir vis-à-vis d’une telle situation au point d’en devenir un symbole.

Les images illustrent, concentrent et transforment des symboles. Le contraste entre sa capacité à représenter quelque chose et la vitesse à laquelle nous lisons cette représentation en font des outils puissants. Telle une phrase d’accroche au début d’un texte, elles ont la formidable capacité à représenter la clef de voûte à toute autre forme de description.

Les symboles dans les tirages GUILLOT IMAGES

Dans notre projet de galerie en ligne, c’est dans ce rapport à l’image que nous souhaitons proposer nos photographies. Ne regardez pas nos œuvres comme le témoignage du photographe mais plutôt comme la représentation symbolique de quelque chose qui vous est chère et bien à vous.

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